Quelles sont les méthodes pédagogiques qui marchent bien et celles qui marchent moins bien ? Qu’est-ce qui fonctionne réellement en pédagogie ? Comment savoir si une idée pédagogique est vraiment bonne ou mauvaise ? Où trouver des idées d’innovation pédagogiques qui ont des chances de faire plus de bien que de mal à nos apprenants ?
Vous avez sans doute déjà assisté à ou lu des débats entre pédagogues, des débats sans fins, à coups de théories élaborées, des affrontements d’opinions, de croyances et de thèses difficilement vérifiables, bien souvent tranchés par l’invocation d’un grade (« c’est Monsieur l’inspecteur général qui l’a dit, c’est vrai ») ou d’une figure d’autorité historique (« c’est Piaget qui l’a dit, alors c’est vrai »), ou, plus souvent encore, jamais tranchés mais laissés en suspens de manière vaine au prétexte du relativisme ou des spécificités culturelles. Pour autant, au-delà des croyances et opinions de chacun, de quoi peut-on être sûr en matière d’éducation et de pédagogie ?
Je m’étais posé ce genre de questions il y trois ans alors que je m’investissais professionnellement dans le secteur de l’éducation et j’avais eu du mal à identifier un « état de l’art » de qualité scientifique pour y répondre. J’ai un peu avancé cet été, voici ce que j’ai appris.
Le mouvement de « l’éducation fondée sur les preuves » (EBE comme Evidence-Based Education et non pas comme Extraterrestrial Biological Entity) vise à rendre « scientifique » la connaissance en pédagogie. Ce mouvement a pris de l’ampleur sous l’influence des progrès scientifiques en sciences cognitives, en neuroscience (https://en.wikipedia.org/wiki/Educational_neuroscience), en psychologie sociale mais aussi en s’appuyant sur les approches expérimentales rigoureuses déjà courantes dans le domaine éducatif (Piaget…). La différence entre opinion et savoir réside dans la solidité des preuves expérimentales avancées :
- solidité dans les protocoles expérimentaux (expérience randomisée en double aveugle comme en médecine, expériences reproductibles ou non, …),
- solidité dans l’analyse statistique des données expérimentales,
- solidité par la taille des groupes étudiés,
- solidité par la publication systématique des résultats expérimentaux (y compris les résultats négatifs) avec revue par les pairs..
Cette problématique de ce qui différencie un science d’un débat d’opinions est exprimée de manière très éloquente par Ben Goldacre dans sa présentation vidéo TED de 14 minutes sous-titrée en français.
Ben Goldacre a ensuite proposé au ministère britannique de l’éducation une explication quant à ce que cette approche scientifique devait donner une fois appliquée au domaine de la pédagogie et de l’éducation.
On peut donc bien parler d’éducation (ou de pédagogie) fondée sur les preuves (scientifiques). Alors, maintenant que l’on sait qu’il existe une approche scientifique de la pédagogie (les scientifiques du domaine pardonneront mon doute initial…), quel est l’état des connaissances scientifiques en la matière ? Plusieurs organismes essaient de tenir à jour une compilation de « ce qui marche » et qui marche moins bien, de ce dont on peut être sûr, d’après les publications scientifiques en pédagogie et didactique :
- le bureau « Qu’est-ce qui fonctionne » du ministère de l’éducation des USA,
- le Centre pour une éducation fondée sur les preuves, aux USA,
- le Réseau des enseignants qui s’appuient sur les preuves, basé au Royaume-Uni,
- le site « Preuves de Haut Niveau » de la Coalition pour les preuves, devenue la division Innovation politique fondée sur les preuves de la fondation Laura et John Arnold, aux USA.
Ces acteurs et d’autres ont donc compilé des listes de preuves sur l’efficacité de telles ou telles méthodes ou interventions pédagogiques :
- La synthèse de l’Evidence-Based Teaching Network
- La Best Evidence Encyclopedia
- La newsletter « Best Evidence in Brief » de l’Institut pour une éducation efficace
- Les listes du bureau « qu’est-ce qui fonctionne » du ministère US de l’éducation, par exemple celle sur les technologies pédagogiques
Toutes ces listes s’appuient notamment sur le travail initial de 2 équipes de chercheurs :
- l’équipe de John Hattie, en Nouvelle-Zélande, qui a compilé pendant 15 ans 800 « méta-analyses » qui recoupent entre elles, par analyse statistique, plus de 50 000 études scientifiques en matière de pédagogie, équipe qui a publié ses résultats en 2009 dans le livre « Visible Learning » ; voici 3 présentations qui tentent de résumer, en plus de la page ci-dessus, les principales découvertes de l’équipe de John Hattie :
- l’équipe de Robert Marzano, du Colorado, qui a adopté la même approche mais en se concentrant exclusivement sur les études d’efficacité d’interventions pédagogiques en classe : Marzano, R (2001) Classroom Instruction that Works Alexandria, VA: ASCD
Avec ces points de départ, on peut relativement facilement identifier des publications de synthèse qui mettent à jour ces connaissances :
- voici par exemple la publication la plus citée (d’après Google Scholar) parmi celles qui citent les travaux de John Hattie : Improving Students’ Learning With Effective Learning Techniques
- et voici celle la plus citée parmi celles citant Hattie et portant spécifiquement sur la technopédagogie What Forty Years of Research Says About the Impact of Technology on Learning
Au final, j’ai trouvé peu de ressources en français sur l’éducation fondée sur les preuves. Et vous ?