Le rapport de Jean-Louis Beffa à Jacques Chirac a donné lieu à la création d’une agence pour l’innovation industrielle doté d’un joli budget. Ce rapport a été discuté dans la blogosphère.
Certains ont été notamment surpris de l’absence d’un axe prioritaire « Technologies de l’Information et de la Communication » dans ce rapport et ont souligné combien d’autres pays avaient au contraire misé sur l’innovation dans les TIC, les STIC (Sciences et …), les NTIC (Nouvelles… ce qui fait déjà un peu ancien).
Histoire d’apporter ma pierre à l’édifice de la critique (constructive), voici deux documents qui soulignent l’importance prioritaire que les TIC devraient avoir dans une politique d’innovation industrielle en France.
Le premier est un rapport d’étude du conseil stratégique des technologies de l’information auprès du premier ministre, portant sur les politiques de R&D sur les STIC dans les grands pays industriels. Il montre que l’Europe est largement en retard par rapport au Japon et aux USA en matière de R&D sur les NTIC.
Le deuxième document est le bulletin de juin 2005 du centre d’analyse statistique du Canada, portant sur l’innovation. Il indique :
Les résultats de l’Enquête sur l’innovation de 2003, qui portait sur l’innovation dans certaines industries de services, montrent que les établissements des industries de services des TIC sont les plus susceptibles d’être innovateurs. Au Canada, les trois industries où les taux d’innovation étaient les plus élevés appartenaient toutes aux TIC.
En l’occurence, il s’agit des éditeurs logiciels, des opérateurs satellite ou Internet et, dans une moindre mesure, des SSII et du conseil, des bureaux d’études, sociétés d’ingénierie ou de R&D et, enfin, des grossistes-distributeurs high-tech. Il me semble donc que l’agence française pour l’innovation industrielle néglige l’innovation dans l’industrie des services en ne prévoyant aucune priorité politique pour les TIC alors que, dans des pays tels que le Canada, les TIC sont perçues comme un secteur prioritaire d’innovation. On dit que les grands capitaines d’industrie, tels que M. Beffa, ne voient parfois dans l’informatique qu’un « mal nécessaire » (à la bonne gestion, notamment financière, des industries « lourdes »). Ceci explique-t-il cela ?
PS : Au passage, dans le document canadien, vous noterez que
les entreprises qui sont situées à proximité d’entreprises rivales ou d’universités ne sont pas plus
innovatrices que les autres de la même industrie, sauf quand la distance est extrêmement courte.
Il est précisé, un peu plus loin :
La proximité avec des entreprises rivales ou des universités semble favoriser l’innovation uniquement lorsque les distances sont très courtes (quelques centaines de mètres). Et même dans ces cas, la proximité n’a des répercussions que sur certains types d’innovations. La proximité étroite avec des entreprises rivales semble favoriser l’imitation plutôt que les innovations originales, tandis que la proximité étroite avec des universités semble favoriser les innovations originales plutôt que les imitations.
Alors, que penser de cet autre volet des politiques françaises de soutien à la R&D, qui passe par le développement de « pôles de compétitivité » censés rapprocher physiquement entreprises rivales et universités ? Le fond a certainement du bon. Mais a-t-on pensé à prescrire une distance limite au-delà desquels le pôle n’a plus de sens ni d’intérêt ?