Je travaille actuellement avec des consultants d’une très grosse SSII indienne en vue de l’externalisation offshore d’un projet informatique. Le consultant avec qui je travaille sur site pratique le yoga depuis de nombreuses années. Il ne sait pas encore entrer dans une boîte, m’a-t-il avoué. Mais le concept d’un « consultant-in-a-box » ou encore d’un « Commercial-Off-The-Shelf » Consultant a de quoi séduire ! Imaginez un peu, vous allez sur votre site de e-business favori, du style consultantinabox.com et là, vous cochez les compétences du consultant indien dont vous avez besoin : un peu de J2EE par ici, un peu d’intégration de middleware de sécurité par ici, etc. Vous validez votre devis en ligne et payez avec votre carte de crédit corporate. Ensuite, UPS vous livre en 24H, par avion, une boîte avec votre consultant yogi dedans. Pas mal, non ? Bien sûr, en fin de mission, le consultant sait se repackager tout seul et retourne à Bangalore pour poursuivre la mission à distance (en mode offshore, ça coûte bien moins cher que sur place).
Trève de plaisanterie, voici quelques notes en vrac glanées lors d’une discussion avec la société Pivolis, spécialisée en accompagnement de sociétés européennes souhaitant travailler avec des indiens (cf. également cet ancien article citant Mr Pivolis, aka Vincent Massol).
Les sociétés d’accompagnement du type Pivolis peuvent assurer un rôle :
- logistique : infrastructures (VPN, …), voyages et visites, arrivées et départ (gestion des identités, provisioning des nouveaux entrants dans le projet)
- de médiateur/facilitateur/organisateur des communications entre français et indiens
- de conseil méthodologique (et outils)
Typiquement, pour un projet représentant 100 équivalent plein temps (50 français et 50 indiens), la charge de coordination par ce type de société pourrait représenter 2 équivalents temps plein (soit 2%). De plus, dans l’équipe française, certaines personnes sont également dédiées à des tâches de support à l’équipe indienne, i.e. à la facilitation du transfert de connaissances. Dans une première phase de projet, cela peut représenter une personne pour 6 indiens. Ensuite, les choses deviennent plus routinières et le ratio se stabilise à un français en support à l’offshore pour 10 indien.
Contrairement à ce à quoi on pourrait s’attendre, il ne faut pas chercher outre mesure à spécialiser les équipes françaises et indiennes. Mieux vaut organiser et entretenir une certaine redondance des rôles sur site et à l’offshore, au moins pendant une (longue) période de transfert de compétences. La communication s’établit alors à de multiples niveaux : de project leader français à project leader indien, de lead developer français à lead developer indien. Cette similarité des rôles et la multiplicité des canaux de communication qui s’en suit sont des facteurs de clefs de succès pour la coopération franco-indienne sur un projet informatique. Le facteur clef de succès, selon Pivolis, c’est de s’efforcer de garder les gens heureux de part et d’autre. Le second principal facteur de succès réside dans la rigueur et la discipline des équipes notamment quant à l’utilisation des outils de coordination (principalement un issue-tracker, un outil de gestion de builds et un wiki).
De multiples outils sont souhaitables pour faire collaborer des équipes distantes. On peut les analyser selon leur fréquence d’utilisation et leur efficacité relative. Concernant leur fréquence, on trouvera par exemple, pour un projet de 100 personnes :
- Voyages (de la France vers l’Inde ET vice-versa) : 3 personnes toutes les 6 semaines
- Echange de documents bureautiques : rédaction d’un document important par mois
- Téléphone : 1,5 conférence téléphonique par semaine et par équipe de 10 personnes
- Wiki : 1 modification par jour et par équipe de 10 personnes
- Emails : plusieurs par jour et par personne
- Instant messaging : continu et omniprésent
On pourrait grosso modo grouper tous ces outils en 4 catégories :
- fréquemment utilisés et très adaptés à ces modes de collaboration : issue tracker, mailing list, wiki
- fréquemment utilisés mais moins riches en efficacité : mails individuels, instant messaging, conférence téléphonique
- plus rarement utilisés mais très riches et efficaces : documentation, voyages sur site
- rarement utilisés et relativement inefficaces : video-conférences
Trois différences culturelles entre indiens et français, à prendre en compte pour faciliter la compréhension mutuelle :
- les indiens ont un respect très profond de leur interlocuteur, attitude respectueuse qui n’est pas forcément compatible avec la propension française à s’engager dans des combats de coqs, à tenter une révolution française à chaque réunion ; les français peuvent avoir l’impression de travailler avec des personnes manquant de répondant ou de franchise alors que les indiens peuvent avoir l’impression de travailler avec des personnes impolies, négatives ou agressives
- les indiens ont une forte culture de l’hospitalité, de l’accueil et des habitudes culinaires particulières (végétariens…) ; les français sont-ils prêts à accueillir leurs interlocuteurs indiens dans leur famille pendant le week-end ou à passer leur week-end complet à leur faire visiter le château de Versailles ? comment manger un vrai repas végétarien dans un resto Sodexho ?
- les indiens appréciraient les félicitations et les remerciements formels, les signes de gratitude (ou de bienvenue, tels que des cadeaux) ; les français peuvent trouver cela superflu ou « chi-chi », et passer des gens indifférents voire ingrats
Ces dernières semaines de travail avec des consultants indiens m’ont déjà permis de vérifier quelques-uns de ces conseils ou observations confiés par la société Pivolis. Et je sens qu’il serait plus que judicieux, pour aller plus loin, d’avoir recours aux services de ce type de société pour un accompagnement sérieux sur le long terme.
En parlant de différence culturelle, celle-ci peut même se lire dans des clauses contractuelles. Par exemple, vous attendriez-vous à trouver la formulation suivante pour une clause de limitation de responsabilité dans un contrat de prestation avec une société française :
« Force Majeure : XYZ is not responsible for delays caused by the reasons of strikes, changes in Government Regulations, labor disputes, wars, acts of God or any other such reasons beyond its reasonable control. » Surprenant, non ?
Acts of God : Ce n’est pas une différence culturelle… C’est utiisé en france depuis toujours.. Cela s’appelle le « fait de Dieu » et cela s’appelle plus communément les cas de force majeure…
Alors c’est tout simplement que j’ai (rapidement) atteint les limites de ma culture juridique française ! Merci de la précision.
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