Nombre d’entreprises essaient depuis quelques années de décloisonner leur communication internet en développant en leur sein des échanges entre professionnels partageant des pratiques ou centres d’intérêt. Ces communautés de pratiques sont invitées à utiliser des techniques de communication électroniques. Certaines communautés sont perçues comme des succès et d’autres comme des flops. Qu’est-ce qui fait qu’une communauté de pratique appuyée sur des outils électroniques connaîtra ou non le succès ? Le CEFRIO s’est penché sur le sujet dans le cadre d’un projet de recherche et a publié ses conclusions.
Quels sont les principaux facteurs organisationnels de succès ? Pour qu’une communauté connaisse le succès, il faut distinguer deux phases dans son cycle vie : son démarrage et son fonctionnement en régime de croisière. Pour la phase de démarrage, c’est la structure de l’organisation qui est déterminante. Le succès sera probablement au rendez-vous :
- si l’environnement organisationnel n’est pas un frein aux échanges (voire, au contraire, s’il facilite et encourage ces échanges transverses),
- si le sujet d’échanges choisi par la communauté est considéré comme pertinent (comme ayant de la valeur) par ses membres ou par l’organisation dans son ensemble
- et si l’entreprise soutient formellement la communauté.
Ces facteurs structurels sont déterminants pour que la sauce puisse prendre. Ils perdent ensuite leur importance lorsque la communauté entre en régime de croisière. Ce sont alors trois pratiques de gestion de la communauté qui prennent le pas pour assurer le succès de la communauté :
- le travail de l’animateur de la communauté est-il assuré avec dynamisme ?
- la participation à la communauté est-elle reconnue dans l’évaluation individuelle de performance (l’entretien annuel…) ?
- l’implication dans la communauté fait-elle l’objet d’une large communication au sein de l’organisation ?
Si c’est le cas, il est fort probable que l’activité de la communauté sera perçue comme un succès par ses membres pour eux-mêmes et pour l’entreprise. Dans le cas contraire, il est probable que ce ne soit pas le cas. Dans une moindre mesure, le soutien technologique offert aux membres et la formation aux outils informatiques influent positivement sur le succès. Il est également probable que le fait que les membres aient déjà l’habitude de travailler en équipe, voire en communauté distante favorise également le succès. D’autres facteurs de succès de moindre importance sont liés aux croyances des membres : ma participation à la communauté peut-elle améliorer mes perspectives d’évolution professionnelle ? ai-je le sentiment d’appartenir au groupe que constitue la communauté ? ai-je le sentiment de pouvoir l’influencer ?
Jusqu’ici, il était souvent rapporté qu’un facteur déterminant du succès était le fait que la communauté, avant de devenir « électronique », était constituée d’un groupe de personnes se connaissant déjà bien. L’étude du CEFRIO montre que ce n’est pas le cas : même constituée de personnes s’ignorant avant d’entrer dans le communauté, la communauté a autant de chances de connaître le succès ou l’échec.
Que pensent les participants de ces communautés ? En forçant le trait, on peut dire que les plus de 50 ans sont bien moins satisfaits de leur participation à des communautés de pratique que les plus jeunes et considèrent que les communautés de pratiques ne sont pas des succès, à l’opposé de leurs cadets. Tous âges confondus, l’opinion des membres est mitigée quant à l’utilité des communautés de pratique pour leur employeur. Les membres féminins se distinguent en considérant plus souvent contribuer activement aux échanges dans la communauté. Et elles estiment plus souvent que les hommes avoir réalisé des apprentissages professionnels et personnels importants. Le temps moyen consacré à la communauté s’élève à 50 minutes par semaine, ce qui est une source d’insatisfaction pour les membres des communautés. Ils regrettent un manque de reconnaissance de leur participation à la communauté par leur employeur. Par contre les membres de communautés de pratiques apprécient avant tout la qualité des échanges et de la collaboration entre les membres.
A quoi peut réellement servir une communauté de pratiques ? L’échange et le partage de l’information et des savoirs est l’objectif le plus souvent fixé et atteint pour les communautés de pratique. Les communautés réussissent à favoriser l’apprentissage de leurs membres, ce qui fait également partie de leurs priorités. Par contre, la valorisation de l’excellence des pratiques ou de la qualité sont souvent retenus comme priorité mais les communautés n’estiment pas pour autant atteindre ces deux types d’objectifs.
Comment fonctionnent les communautés de pratique ? Leur organisation interne est informelle, la plupart des décisions se prenant par consensus. Elles bénéficient d’un soutien très satisfaisant sur le plan des technologies de l’information. Pour pouvoir y participer, ses membres ne bénéficient pas de moyens supplémentaires si ce n’est, rarement, d’un peu de temps supplémentaire alloué par l’employeur. L’animateur de la communauté a pour rôle essentiel d’aider individuellement les membres et de fournir l’expertise sur les outils d’échanges électroniques, même si les membres croient, au moment de la création de la communauté, que son rôle essentiel est de susciter l’intérêt et la participation collectifs des membres. Les membres sont formés à l’utilisation des logiciels utilisés dans le cadre de la communauté. A la création de la communauté, les membres attendent de leur participation qu’elle leur permette de développer leurs connaissances. Ils ne s’attendent pas à bénéficier d’une reconnaissance particulière de la part de leur employeur mais leur degré habituel engagement dans leur travail compense l’absence de reconnaissance. Les membres ne se connaissent pas entre eux. Ils sont choisis par leurs supérieurs en raison de l’adéquation entre leurs compétences professionnelles et les objectifs de la communauté, et non pour leurs compétences informatiques. Cependant, la majorité des membres ont des connaissances informatiques supérieures à la moyenne (« utilisateurs débrouillards »). C’est l’animateur de la communauté qui les sollicite ensuite (surtout pour les femmes) ou bien le sponsor de la communauté (plus souvent pour les hommes). Les membres potentiels sont consultés sur leur participation et ont le sentiment de pouvoir refuser. Ils affirment ne pas craindre de partager leur expertise professionnelle au sein de la communauté. Ils attendent de leur participation qu’elle leur permette de développer leurs compétences, de pouvoir faire preuve de davantage de créativité et d’innovation, ce qui serait favorable pour leur avenir professionnel.