A l’occasion d’un très stimulant déjeuner avec Nicolas Chauvat, de Logilab, nous avons évoqué à coups de machettes les différents modèles économiques pour l’open source et la quantité d’innovation portée par chaque modèle (« l’open source permet-il d’innover ? ») :
- comme les éditeurs propriétaires : développer une fois, revendre plusieurs fois => mais cela suppose que ni l’entreprise ni ses clients ne publient le code, du coup on perd certains bénéfices du modèle open source (open scrutiny, mutualisation des coûts de maintenance, notoriété, …), de plus l’objectif est alors de rentabiliser l’existant (« vaches à lait ») avant/plutôt que de développer du nouveau donc pas trop d’innovation à attendre
- comme les SSII : vendre du jour.homme => mais cela n’apporte pas de différence essentielle avec le fait de vendre du jour.homme sur des technos propriétaires, l’entreprise ne capitalise pas sur le code ou la communauté, pas d’innovation de la part de l’entreprise qui se « contente » de répondre au besoin du client ; est-ce vraiment le cas chez un Cap Gemini ou Unilog par exemple, qui ont eu tendance à vendre du J.H open source ces derniers temps ?
- développer un produit (capital), vendre du jour.homme pour l’intégrer et le personnaliser (voire le développer) puis le maintenir/supporter => c’est le modèle que semblent suivre les SS2L françaises : IdealX, Ingeniweb, Nuxeo, Linagora, Clever Age … Logilab et les autres ; de l’innovation mais… reste encore difficile à vendre (sauf, peut-être au secteur public, et encore) !
- utiliser des outils open source pour porter une offre innovante de services non informatique => exemple : nombreux fournisseurs d’accès, comme Free, de l’innovation, mais y a-t-il une réelle contribution open source (ou au contraire/uniquement des modifications privées du code) ?
Alors, toujours avec ma question en tête « chez quelle boîte est-ce qu’il faut aller travailler pour surfer sur la (future ?) vague open source ? ». Chez les éditeurs propriétaires : ne profitent pas assez du modèle open source ? Chez une SSII classique : pas de stratégie d’innovation ? Chez une SS2L : trop tôt pour avoir une activité avec des volumes suffisants ? Chez un fournisseur de services exploitant l’open source : y en a-t-il de respectables qui aient choisi l’open source ?
Je pense que l’avenir se montrera rose pour ces deux dernières catégories : les SS2L, une fois qu’elles auront appris à vendre leur offre au CAC40 (et que le CAC40 aura appris à la leur acheter !), les fournisseurs de services innovants utilisateurs de l’open source une fois que je saurai si ça existe. Ces deux modèles semblent être les plus « stables » comme dit Nicolas, les plus « durables » je dirais.
Tiens, une idée qui fait plop : le développement/la maturation de l’open source part de l’infrastructure (Linux, Apache, …) et « monte » vers l’applicatif (Evolution, Plone, …) ; de nombreux ISP ont choisi l’open source pour monter une infrastructure permettant de monter des offres de services innovantes ; quelles seront les entreprises qui choisiront l’open source pour s’équiper en applicatifs permettant de monter des offres de services innovantes. Autrement dit, qui fera d’un Plone le même usage qu’un Free peut faire des linux (ou quel que soit le BSD qu’ils utilisent…) ? Est-ce qu’un Sharing Knowledge décidera d’open sourcer ses outils logiciels ? Est-ce qu’un Ingeniweb pourrait tenir une telle position ?
Ping : AkaSig » Solution open source de gestion des identités
très bonne réflexion, je me pose effectivement les mêmes interrogations en essayant de monter une entreprise Open source mais j’ajouterais deux points qui restent en suspend la participation bénévole de développeurs à des outils open source facturés par la suite par des SS2L et la forme juridique de ces sociétés (somme toute assez classique SA , SARL) et donc avec les même tentations (facturer plusieurs fois la même chose, vendre de l’homme.jour, peu d’innovation).
Je pense qu’il faudrait basculer sur un mode coopératif avec des SS2L en coopérative et une rémunération indirecte aux développeurs bénévoles. Les équipes des SS2L se concentrant sur le marketing, l’aspect commercial et la doc.
cordialement
Je suis d’accord avec toi : les entreprises open source devraient se concentrer sur ce qui fait la valeur commerciale des services et produits informatiques, notamment le marketing. Concernant la rémunération indirecte des développeurs bénévoles, je suis plus circonspect : comment valoriser la contribution de développeurs bénévoles ? Et de ceux qui soumettent des bugs ? Et de ceux qui « se contentent » de participer aux discussions sur le produit ? Et si ils sont rémunérés, ils ne sont plus bénévoles, non ? Que deviennent-ils alors ? Des sous-traitants freelance payés au lance-pierre ? De même, concernant la forme juridique, la philosophie coopératiste est sympathique mais je ne comprends pas (sans doute par manque d’expérience vécue) en quoi elle prémunit l’entreprise contre la tentation de capitaliser sur un produit (ce qui n’est pas forcément une mauvaise chose) pour vendre du service. Peux-tu nous en dire un peu plus ?
A part ça, j’espère que ton projet avance bien. Tiens-nous au courant lorsque tu auras tes premières références clients, histoire de faire un peu de pub !
J’ai mené la même analyse et arrivé à la même conclusion. Il y a un grain de sable dans chacun des modèles économiques existants.
La solution ? Monter une boîte avec un nouveau modèle économique ! Plus collaboratif, plus communautaire et en même toujours connecté dans le système actuel.
Vendre à l’un le meilleur de l’autre et « hedger » le risque de l’un pour l’autre.
En résumé, appliquer ton crédo « networked intelligence » et non trouver une boîte qui a mis l’intelligence en boîte (pléonasme forcé :-)
Chuyen, tu nous met l’eau à la bouche, là ! C’est quoi ton secret? Comment on fait pour participer à ta mise en réseau d’intelligence qui rapporte des sous? Comment faire une boîte qui profite de sa capacité à faire de l’innovation open source en réseau ouvert?